Histoires de famille

J'ai tellement aimé celle-là que j'ai décidé de la raconter.

D'abord, un rapide tour d'horizon. La famille du côté de ma mère (je ne connais pas celle du côté de mon père) vient de Savoie où mon arrière-grand-père Jean-François Cléret est médecin, chirurgien à Chamberry. Il y a d'ailleurs encore là-bas, une clinique à son nom. Il a eu entre autres deux filles Annie (Mamie) et Monette (Puce).

Annie s'est mariée à Pierre Gauthier, futur fondateur des matelas Mérinos. Ils ont eu trois enfants Claude, ma grand-mère; et Françoise, ma grand-tante, et Michel, mon grand-oncle qu'on appelle, avec leurs filles et petits enfants, les Gauthier.

Ma grand-mère a épousé Bernard Danos, ils ont eu mes oncles Olivier et Frederic, et ma mère Sophie. Nous sommes les Danos même si mon grand-père, pour le plaisir de me faire chier, s'amuse beaucoup à m'appeler Jacquelin ^^"

Pourquoi tout ça? Parce que mon arrière-grand-mère était une "femme liberée" qui refusait les carcans de son époque. Alors que son père la voulait à la messe, bien habillé et obeissante, elle faisait le mur, sortait pour aller voir les soldats de la garnison, faisait de l'escalade, détestait l'église, et surtout s'est mariée à un ingenieur des Arts et Métiers fils d'instituteurs, ce qui a rendu ses parents fous. Mais gentiment quand même. Quand on sait que sa mère faisait partie de la haute bourgeoisie et avait son jour de réception chaque semaine dans son salon de Lélia, aujourd'hui hôtel 4-étoiles.

Nous avons donc eu comme matriarche cette femme libre qui ne se prenait pas au serieux, appelait son mari "mon vieux machin" devant sa descendance, nous chantait des chansons grivoises et se prenait toujours aux jeux débiles et sans queue ni tête de ses petits-enfants. C'etait Mamie, ineffable Mamie qu'on appelait Volpone car elle avait toujours toutes les maladies du monde mais pétait la forme dès qu'on mentionnait le mot "médecin" et était insupportable avec les auxiliaires de vie qu'on payait pour qu'elles s'occupent d'elle dans sa maison du Jura.
Nous n'avons jamais eu ni la religion, ni des carcans de "savoir vivre" qui ont pu régler notre vie. Car ma grand-mère aussi coincée et retenue qu'elle puisse être parfois est comme sa mère et ses enfants sont encore d'avantage délurés. Nous sommes une famille athée et les gens ne me croient quand je leur raconte les conneries qu'on fait pendant les vacances dans nos maisons de Savoie.

De l'autre côté, Monette est une grenouille de benitier. Catholique pratiquante tres pète-sec. Gentille et agréable mais comment dire?...Du genre à avoir des sièges sur lesquels seuls les invités peuvent s'asseoir ou à nous interdire de toucher les murs parce qu'elle sent qu'on a les mains "un peu bizarres". Monette a eu quatre filles et un fils. Tous très pète-sec aussi. Le genre pantalon de popeline vichy ou flanette très claire avec chemise à manche courte et pull marin sur l'épaule en été alors qu'il fait 40°C! Ca ne roule qu'en berline anglaise, peut-être allemande mais on sent bien la reprobation des autres face à la grosse Mercedes. Ca, ce n'est pas Jaguar...

Les Cléret-Condomine que l'on voit tous les ans qu'on descend au bord du Lac du Bourget sont donc tres agréables mais chiants! L'amusement est contenu, se veut de bons gouts qui s'apparentent plus à de la vulgarité amidonnée qu'autre chose. Tiens pour ceux qui connaitrait, ils ont les maisons au bord du lac longeant la plage de la Statue de Lamartine. C'est très bien parce que les bateaux qui amènent les touristes, les "Promène Couillons" pour voir la statue s'arretent toutes les dix minutes juste devant la plage, à quelques mètres, ou la terrasse qui la surplombe où nous sommes entrain de manger ou de glander.

Tout ça pour raconter une petite anecdote. Puce (Monette) a donc eu quatre filles et un fils, Laurent Condomine. Les filles se sont toutes mariées et ont eu des garçons qui portent le nom de leur père. Laurent a épousé Agnès et a eu quatre filles. A la naissance de la quatrième, le 01 avril, Agnès appelle "Granny" pour lui annoncer la nouvelle.
Réaction plus que tiède.
-Mais...encore? Mais c'est horrible...Comment allons-nous faire pour nom Condomine?
Bon...Agnès se répond pas et se contient.

Le lendemain, le 02 Avril, Puce rappelle sa belle-fille:
-Allez, Agnès...Vous pouvez me le dire, c'était un poisson d'Avril, vous avez eu un garçon.
Agnès furieuse, lui répond sur un ton léger:
-Mais ne vous faites pas pour le nom, Granny. Sur toutes les filles, y en a bien une qui sera fille-mère!
Elle raccroche.

L'autre, il a lui fallu amener la tente à oxygène.